Un ange chez Solidarité Familles
Sabrina Lepage est la bonté incarnée. La coordonnatrice des cuisines de Solidarité Familles est aux petits soins avec ceux qui utilisent les services de cet organisme soutenu par Centraide. Elle est bien placée pour les comprendre puisqu’elle ne l’a pas toujours eu facile dans la vie. Cette mère de quatre enfants a découvert qu’elle était atteinte d’une maladie grave. Qu’à cela ne tienne, elle se donne corps et âme pour redonner espoir à ceux qui ont moins de chance. Son rôle prend tout son sens à l’approche du temps des Fêtes.
Avant de devenir intervenante chez Solidarité Familles, Sabrina Lepage a connu une période plus sombre. À 29 ans, alors qu’elle a quatre enfants en bas âge à s’occuper à la maison, elle apprend que son cinquième ne verra jamais le jour. À trente semaines de grossesse, un 24 décembre, elle accouche de la petite Adèle, un bébé mort-né.
Les malheurs s’enchaînent
Comme un malheur n’arrive jamais seul, des complications surviennent après l’accouchement. Elle souffre d’une myocardite et elle est transférée aux soins intensifs. C’est à partir de ce moment que sa santé commence à se détériorer.
Après son hospitalisation, elle commence à souffrir de douleurs musculaires intenses, à un point tel qu’elle n’est plus capable de prendre ses enfants dans ses bras.
Pendant près de deux ans, les allers-retours à l’hôpital se succèdent, avant que le diagnostic ne tombe. Les médecins découvrent qu’elle souffre d’une maladie auto-immune rare, une collagénose de chevauchement. Sans emploi pendant tout ce temps, avec quatre petites bouches à nourrir, le salaire de son conjoint ne suffit plus.
Solidarité Familles, sa planche de salut
C’est à ce moment que Solidarité Familles entre dans sa vie. L’organisme qui a pignon sur rue dans le quartier Duberger-Les Saules offre des cuisines créatives aux gens dans le besoin. En plus d’y cuisiner de bons petits plats à faibles coûts, elle se lie d’amitié avec la coordonnatrice. Elle s’y sent chez elle et aime aider les autres lorsqu’elle participe aux diverses activités. L’intervenante sociale en elle n’est jamais bien loin pour celle qui a fait ses études en intervention en délinquance. Elle décide de partager son vécu et ses expériences de vie en devenant bénévole pour la ressource d’aide.
À 32 ans, une fois sa santé stabilisée et sa petite dernière entrée à l’école, Sabrina veut revenir sur le marché du travail. Encore une fois, Solidarité Familles est l’endroit tout désigné. Ils ont besoin d’une intervenante communautaire et elle a le profil recherché pour l’emploi. C’est le début d’une belle aventure. Son écoute, son grand coeur et son énergie débordante font d’elle une personne très appréciée de tous. Trois ans après son arrivée, elle devient coordonnatrice des cuisines, fonction qu’elle occupe encore aujourd’hui.
Un ange bienveillant
Ses yeux brillent lorsqu’elle parle des gens qu’elle aide chez Solidarité Familles. Elle est si fière de contribuer à leur épanouissement. « L’être humain, c’est une belle bibitte à explorer. J’aime les accompagner pour voir ce qu’ils sont capables de faire. Pour moi, c’est un beau défi. »
Si certains manquent de confiance en leur potentiel, Sabrina en a pour deux! « Il y en a qui me disent j’ai fait telle et telle chose dans le passé. Je leur réponds je te prends à partir d’aujourd’hui, le passé ne me concerne pas. Fais-toi confiance et fonce. »
Même si à la base, la coordonnatrice des cuisines est là pour assurer la sécurité alimentaire des utilisateurs, son rôle est bien plus large. « Une fois que le besoin de base est comblé, on peut aller plus loin et voir les autres besoins. Il n’y a rien de mieux que l’îlot de la cuisine pour parler de choses plus personnelles avec eux.»
De belles histoires de réussites
Et ça donne de beaux résultats. Sabrina a en tête une jeune femme qui vivait de l’aide sociale, qui avait perdu la garde de sa fille et qui n’arrivait pas à se trouver un emploi. Sabrina et son équipe l’ont accompagnée tout au long de son parcours. Aujourd’hui, elle travaille, elle a récupéré la garde de son enfant et elle est devenue bénévole pour Solidarité Familles.
Ou encore cet homme sorti du milieu carcéral qui a fréquenté l’organisme et qui a réussi à se reprendre en main et à trouver un emploi. « Quand on voit l’impact que nous avons dans leur quotidien, c’est beau à voir. »
Briser la solitude à Noël
La période des Fêtes est particulièrement éprouvante pour certaines personnes qui fréquentent l’organisme, Sabrina en est bien consciente. « Depuis quelques semaines, plusieurs viennent me voir et me disent qu’ils sont seuls. Pour ceux qui ont des problèmes de consommation ou d’itinérance, les Fêtes créent de l’insécurité parce que Solidarité Familles est fermé pendant cette période. » C’est dire toute l’importance de l’organisme dans notre communauté.
Pour d’autres, c’est le stress lié aux finances qui entre en jeu à Noël. « La pression sociale est tellement grande. Plusieurs ne sont pas capables d’acheter des cadeaux. On les aide à faire de petits cadeaux au Dollarama, avec des choses simples et peu coûteuses. On leur dit aussi qu’ils peuvent offrir de leur temps et que ça vaut tout l’or du monde.
Sabrina se souvient d’un homme qui est arrivé chez Solidarité Famille quelques minutes avant que l’organisme ne ferme ses portes pour le temps des Fêtes pour avoir de l’aide. « Il n’avait pas eu de paniers de Noël et ses enfants arrivaient chez lui. Il était en panique. Avec l’aide d’une autre collègue, nous avons fouillé dans nos armoires, nous n’avions plus grand-chose. On courait dans les cuisines pour lui trouver du cannage. Quand on a lui a remis, le monsieur pleurait. J’ai senti qu’on a fait une vraie différence ce jour-là. C’était magique, c’était un beau moment. »
Fêter Noël avec Solidarité Familles
L’organisme met tout en oeuvre pour parsemer des étincelles de bonheur auprès de ses utilisateurs dans le temps des Fêtes. Chaque année, ils sont conviés à une soirée de Noël et 2019 n’y échappe pas. Il y avait près de 300 personnes qui ont pris part à la soirée cette année, autant des gens qui fréquentent les cuisines créatives que les jardins communautaires ou la friperie. « J’étais tellement émue quand je regardais ça, c’est ça ma paye! Il y a cinq ans, nous avions de la misère à remplir une salle. C’est du travail de longue haleine. »
Reste que pour une quinzaine de personnes, cette fête sera leur seul moment de réjouissance. « Il y a un monsieur âgé qui a des problèmes de consommation et de santé mentale qui est venu me voir à la fête de Noël cette année et qui m’a dit je trouve ça dur d’être ici, ça me rend émotif. C’est la seule fête que j’ai, je vais être tout seul à Noël. Cet homme a autant besoin de chaleur humaine que les autres. »
Même si elle donne le meilleur d’elle-même chaque jour, Sabrina se sent parfois impuissante face à tant de solitude. « Je trouve ça dur de voir qu’en 2019, autant de personnes souffrent d’isolement. Et je sais bien que je ne peux pas tous les sauver. Mais d’être présent pour eux quand Solidarité Familles ouvre ses portes, ça fait toute la différence du monde. »
Des projets pour la nouvelle année qui vient
Les projets à venir sont multiples pour Solidarité Familles, Sabrina trépigne d’impatience lorsqu’elle en parle. Dès la fin janvier, l’organisme offrira un nouveau service de soupe populaire tous les vendredis midi. Différentes clientèles sont visées par ce projet, autant les écoles du quartier que les centres pour aînés, de quoi assurer une belle mixité intergénérationnelle.
Solidarité Familles compte aussi se faire connaître davantage des familles qui fréquentent les écoles du quartier. Pour Sabrina, les besoins alimentaires à combler sont grands. « Il y a des enfants qui arrivent à l’école avec une boîte à lunch pratiquement vide. Nous aimerions tenter une approche avec les écoles et leur envoyer des lunchs qu’ils pourraient réchauffer pour les enfants qui n’ont rien à manger. La nourriture proviendrait de nos cuisines créatives. » C’est ce qu’on appelle faire tourner la roue.
Quant aux aspirations personnelles de Sabrina, elle compte poursuivre son action auprès de Solidarité Familles encore longtemps, aussi longtemps que sa santé lui permette. Malgré la maladie et les épreuves qu’elle a dû traverser, elle tourne son regard vers l’avenir et aime penser que tout ce qui lui est arrivé fait d’elle une meilleure personne.
« Notre bagage de vie fait la personne qu’on est. Si je n’avais pas eu de maladie, si je n’avais pas perdu mon enfant le 24 décembre il y a huit ans, je ne serais peut-être pas l’intervenante que je suis devenue aujourd’hui. » Des propos empreints de sagesse qui représentent bien cette femme altruiste. Ceux qui fréquentent l’organisme peuvent dormir en paix. Un ange veille sur eux.