Le Pignon bleu, la maison pour grandir
Alors que les élèves sont de retour en classe, l’équipe du Pignon bleu s’active pour préparer des repas, des collations et des boîtes à lunch pour les enfants dans le besoin. Avant la pandémie, certains enfants de la basse-ville de Québec allaient à l’école sans même apporter de dîner. Alors que la crise perdure, cette situation risque de s’aggraver. La directrice générale de l’organisme, Roseline Roussel, a su être créative, réinventer certains services d’aide alimentaire et même ajouter une ligne d’écoute téléphonique. Portrait d’une femme visionnaire, au diapason avec sa communauté.
Chaque jour, Roseline Roussel veille à ce que sa brigade en cuisine concocte entre 600 et 1000 repas destinés aux enfants et aux familles en milieu défavorisé. Des repas qui font parfois toute la différence. Le Pignon bleu dessert aussi une vingtaine d’organismes communautaires, comme le Projet-Intervention-Prostitution Québec (PIPQ) ou le Service d’entraide Rocamadour, par exemple.
La DG est très fière du bel élan de solidarité généré par la crise sans précédent que nous traversons. « Le réseau des organismes communautaires est tissé serré à Québec. On sait qu’on peut compter les uns sur les autres. » Depuis le début de la crise, plus de 17 000 repas ont été servis.
Des épiceries de confinement
Les intervenants se sont adaptés rapidement aux nouvelles mesures de distanciation sociale et de confinement décrétées par le gouvernement. L’organisme a fermé son restaurant populaire et sa halte-garderie à la mi-mars. C’est donc 156 enfants qui ne pouvaient plus venir prendre leur dîner ou bénéficier des services de garde gratuits qui étaient offerts. Mais pas question de les laisser tomber.
Pour rejoindre les familles et s’assurer que les enfants mangent à leur faim, les intervenants ont été inventifs. « Nous avons communiqué avec nos familles pour connaître leur réalité. Il y avait des familles en quarantaine qui vivaient beaucoup d’anxiété, il y avait des immigrants qui avaient déjà connu la crise de l’Ebola dans leur pays et qui étaient très apeurés. Ils n’osaient plus sortir et se nourrissaient très mal. »
Pour répondre à leurs besoins, Roseline et son équipe ont mis sur pied un service d’épicerie de confinement. Ils ont fait appel à la générosité des citoyens et des gens d’affaires du quartier Saint-Sauveur. Leur cri du cœur a été entendu.
De généreux donateurs se sont manifestés, des bénévoles ont prêté main-forte pour aller faire les achats, la députée Catherine Dorion en fait partie, même l’épicier du coin, Métro Ferland, s’est occupé des livraisons à domicile. « J’ai été surprise et touchée de la réponse de la population. « Jusqu’à présent, plus de 350 familles ont bénéficié de ces épiceries de confinement gratuites. »
Une ligne d’écoute qui fait du bien
L’organisme communautaire ne s’est pas contenté de nourrir les gens dans le besoin. Une ligne d’écoute téléphonique a aussi vu le jour pour calmer les angoisses des petits comme des plus grands. Une façon de rester en contact avec les jeunes qui fréquentent le Pignon bleu. « Nous avions un souci de ne pas perdre le lien établi avec eux. Pour certains de ces enfants, il y avait un danger avec l’alimentation ou des problématiques d’ordre familial. »
Les intervenantes sociales de l’organisme ont pris en charge les appels, 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Visiblement, le nouveau service répond à un besoin bien réel. Des centaines de personnes ont composé le 418-648-6665 pour avoir du soutien psychologique, que ce soit des parents à bout de souffle ou des aînés qui souffrent de solitude. Même les enfants décrochent le téléphone. Certains pour dire qu’ils s’ennuient des services du Pignon bleu, d’autres pour se confier ou pour avoir des idées de jeux.
Violence conjugale et maltraitance sur des enfants
Des cas de violence conjugale et de maltraitance sur des enfants ont aussi été signalés. « Nous avons eu un appel d’un enfant qui était en danger. Nous avons dû demander l’aide de la DPJ et cet enfant a été sorti de son milieu. Il y a aussi une mère qui nous a contactés parce qu’elle vivait une situation de violence conjugale. Nous l’avons tout de suite référé à un centre pour femmes, afin que sa famille soit en sécurité le plus rapidement possible. »
Roseline souligne au passage l’excellente collaboration entre les différents acteurs sociaux, le CIUSSS de la Capitale-Nationale, la DPJ et le réseau des organismes communautaires, pour intervenir rapidement lors de telles situations de crise.
Des boîtes à lunch pour nourrir les ventres vides
Avec l’école qui a repris, les employés de l’organisme ne chôment pas. En plus de rétablir le service de déjeuner-collation dans 15 écoles primaires de Québec, pour 7000 enfants, l’organisme ajoute un nouveau service de boîtes à lunch froides. Elles sont distribuées gratuitement aux écoliers qui fréquentaient le Pignon bleu et qui n’y ont plus accès en raison des mesures de distanciation.
Les locaux de la rue Saint-Vallier ne permettent plus d’accueillir les 156 enfants des écoles primaires environnantes qui venaient y casser la croûte gratuitement chaque midi. Plus tôt que de devoir choisir quel enfant privilégier, Roseline Roussel a décidé de fermer le restaurant populaire et d’offrir le service autrement. « Comment faire le choix entre ces enfants, ils ont tous des besoins. » C’est ainsi qu’est née l’idée de la boîte à lunch. Une manière simple et efficace de rejoindre tous ces jeunes.
Un projet qui pourrait faire des petits
La directrice générale de l’organisme jongle déjà avec l’idée de poursuivre le service de boîte à lunch froide, même après la crise. Selon elle, il y a plus de 250 enfants qui arrivent à l’école sans même un repas pour dîner dans les écoles de la Commission scolaire de la Capitale.
« Je me rappelle d’une directrice de service de garde de l’école Sacré-Coeur qui était venue cogner au Pignon bleu sur l’heure du midi. Elle devait composer avec des enfants qui n’avaient pas de lunch et elle voulait savoir si nous avions des restes du restaurant populaire à leur donner. »
Un projet-pilote a donc été mis sur pied dans cette école. Le Pignon bleu fournit une quarantaine de repas aux enfants dans le besoin. Comme la situation est similaire dans les écoles Marguerite-Bourgeois, Des Berges et Saint-Malo, ce projet pourrait être étendu dans le futur.
Le Fonds d’urgence de Centraide en renfort
Habituellement tourné vers les enfants et les familles, le Pignon bleu a élargi son champ d’action. Des repas ont aussi été préparés pour 175 aînés vulnérables. Si l’organisme a pu étendre ainsi sa couverture de services, c’est grâce aux 25 000$ attribués par le Fonds d’urgence de Centraide. « On était extrêmement heureux de voir Centraide en action, on s’est senti épaulé. »
L’aide financière de l’organisation philanthropique a aussi permis de défrayer les coûts supplémentaires liés au nouveau service d’écoute téléphonique. « Si la ligne d’urgence a pu être mise sur pied, c’est grâce à Centraide qui nous aide tout au long de l’année. Sans votre apport, nous n’aurions pas été capables de la mettre en place. »
Soyons solidaires
Pour Roseline Roussel, il est clair que le coup de pouce financier de Centraide est essentiel, pas seulement pour le Pignon bleu, mais pour l’ensemble des organismes communautaires qui travaillent de concert à l’année. Elle invite d’ailleurs les citoyens à faire partie de ce vaste mouvement de solidarité.
« Donner à Centraide, c’est faire en sorte qu’il y ait une répartition juste entre les différents organismes, que ce soit pour les enfants du Pignon bleu ou les femmes qui fréquentent le Projet-Intervention-Prostitution Québec. Nous avons un réseau communautaire fort bien ficelé. Nous sommes reconnaissants que l’argent soit distribué aux causes moins sexy, mais tout aussi importantes. Pour ça, Centraide a toute notre confiance et notre reconnaissance. »
Le Pignon bleu tourné vers l’avenir
Ce n’est pas les projets qui manquent pour le Pignon bleu. Des services mis en place pendant la pandémie pourraient bien se poursuivre. La DG jongle avec l’idée de conserver la ligne d’écoute téléphonique, une mesure instaurée dans l’urgence, mais qui répond à des besoins criants.
L’organisme poursuit aussi ses démarches pour ajouter de nouveaux locaux dans le secteur de la basse-ville de Québec. « Nous étions déjà en questionnement l’an dernier puisque nous avons un enjeu d’espace. Le double des enfants auraient des besoins. Nous accueillons une centaine d’enfants tous les jours à la halte-garderie et au restaurant populaire de la rue Saint-Vallier. Nous avons une liste d’attente de 140 enfants et nous pressentons qu’une crise alimentaire est possible. »
Du même souffle, Roseline Roussel assure que la maison-mère du Pignon bleu est là pour rester. La Maison pour grandir va s’agrandir, mais pas sans garder le coeur et l’âme du quartier Saint-Sauveur où elle a vu tant d’enfants s’épanouir depuis près de 30 ans.