Se battre pour améliorer le sort des locataires
Des aînés aux prises avec des augmentations de loyer faramineuses, des familles évincées sous de faux prétextes, des cas comme ceux-là, Nicole Dionne en voit chaque jour. La coordonnatrice du BAIL, un organisme que nous soutenons, se bat chaque jour pour faire reconnaître les droits des locataires. À l’heure où nous vivons une pandémie sans précédent et que les impacts se font sentir jusque dans les hausses du prix des loyers, son travail est essentiel.
Nicole Dionne fait partie d’une toute petite équipe qui veille à la défense des droits des locataires au Bureau d’Animation et Information Logement du Québec métropolitain, le BAIL. La coordonnatrice de l’organisme communautaire soutenu par Centraide sait de quoi elle parle quand il s’agit de loyer. Elle est coordonnatrice au BAIL depuis 33 ans.
En ce moment, le téléphone ne dérougit pas. « Nous avons 50% de plus de demandes d’informations pour des augmentations de loyer jugées excessives de 200$, 300$ ou même 400$ de plus par mois. C’est la première fois que les appels sont aussi nombreux. » Pour le mois de mars seulement, 400 demandes d’aide ont été enregistrées.
Une situation alarmante
Selon Nicole Dionne, la situation est alarmante à Québec. Le taux d’inoccupation des loyers est de 2,7%, ce qui fait que les loyers sont plus rares et plus chers. « Ça rend les choses très difficiles pour les locataires puisque les propriétaires ont beaucoup de demandes. On bat des records de hausses de loyers cette année. Il y a même un locataire qui nous a contactés pour signaler une augmentation de 870$ par mois. »
Elle souligne au passage que certains propriétaires profitent de la situation pandémique pour exercer une pression indue sur les gens à qui ils louent un appartement. « Je trouve que les propriétaires sont durs avec les locataires. Ils essaient de les épuiser pour qu’ils quittent et qu’ils puissent augmenter les prix.»
Cette tendance du marché ne se limite pas à Québec. Montréal est aux prises avec le même problème.
Protéger nos aînés
Le BAIL est aussi préoccupé par la situation du logement pour les locataires qui vivent en résidences privées pour aînés (RPA). « Nous avons eu énormément d’appels d’aînés qui reçoivent des augmentations faramineuses, de l’ordre de 25 à 30% de plus. »
C’est sans compter les mesures de sécurité qui ont été resserrées dans ces résidences, parfois de façon abusive, jusqu’à brimer leurs droits. « En raison de la crise du coronavirus qui a frappé durement les personnes plus âgées, des aînés se sont sentis emprisonnés, avec des règles de fonctionnement très strictes, des portes barrées et parfois même une interdiction totale de sortir de leur logement. »
Accompagner les personnes vulnérables
Le contexte de pandémie et le confinement n’affectent pas seulement les aînés, mais les personnes démunies aussi. «C’est très difficile le confinement pour les personnes qui habitent de petits logements et qui ont peu de moyens. Nous sentons leur détresse, ils sont épuisés mentalement. »
Quand arrive une augmentation de loyer au 31 mars, c’est la goutte qui fait déborder le vase. Ils n’ont pas toujours l’énergie et les connaissances pour faire valoir leurs droits. C’est ici que Nicole Dionne et son équipe du BAIL entrent en scène.
« On est là pour accompagner les locataires, les écouter et leur donner de l’information sur leurs droits. On les aide à préparer leur dossier en demande ou en défense devant le Tribunal administratif du logement. »
50 ans déjà
Le BAIL souligne son 50e anniversaire cette année, c’est dire l’importance qu’il a au sein de notre communauté. En plus de militer pour une plus grande accessibilité aux loyers, le BAIL a d’autres batailles à livrer.
En collaboration avec le Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec(RCLALQ), des démarches sont en cours avec la ministre Marguerite Blais pour améliorer les conditions de vie des aînés dans les RPA.
L’organisme fait aussi pression sur le gouvernement pour l’instauration de contrôle des loyers et la création d’un registre des loyers. Un tel registre permettrait aux locataires de connaître le montant payé par leurs prédécesseurs. De quoi fournir des munitions pour entreprendre des recours pour contrer de soudaines hausses de loyers.
Autre revendication : l’élimination de la protection des immeubles de moins de cinq ans. Les locataires de ces immeubles ne peuvent refuser toutes augmentations, ce qui crée un grave préjudice, selon l’intervenante.
« Prenons l’exemple d’un aîné qui demeure dans l’un de ces immeubles neufs. Dès qu’ils ont une augmentation, les aînés deviennent captifs parce qu’ils ne veulent pas déménager, ils sont vulnérables. Il y a un aîné à Beauport qui a fait appel à nous parce qu’il vit cette situation. Il devra quitter le logement qu’il habite parce qu’il ne sera plus capable de payer. »
L’aide de Centraide
Le soutien financier de Centraide est primordial pour un organisme comme le BAIL. Même si la défense des droits des locataires touche des milliers de personnes, pas facile d’obtenir du financement de bailleurs de fonds.
« À ce temps-ci de l’année, 90% de mon budget, c’est le budget de Centraide. Si nous n’avions pas Centraide, on serait obligé de réduire notre personnel et de couper de moitié les services que nous offrons aux locataires qui vivent des injustices. En ce moment, nous sommes trois employés en poste à quatre jours semaine, et si on pouvait, on travaillerait 7 jours sur 7! »
Des craintes pour le 1er juillet
Pire que les autres années le 1er juillet 2021? Oui, répond la coordonnatrice du BAIL. « Habituellement, une trentaine de demandes de soutien pour trouver un logement au 1er juillet sont faites auprès de l’Office municipal d’habitation du Québec. L’an passé, il y a eu plus de 70 demandes et on s’attend à la même chose cette année. »
Et ce n’est que la pointe de l’iceberg, selon elle. « Ça démontre que la situation des logements est critique, et possiblement qu’elle sera la même jusqu’en 2023. » D’où l’importance d’avoir des organismes comme le BAIL pour veiller à ce que tous les locataires puissent avoir accès à un logement abordable et de qualité.