Être une personne trans et bien dans sa peau
Mykaell Blais est une personne transmasculine de 30 ans. Sa rencontre avec des intervenants du GRIS-Québec à son école secondaire a été déterminante dans son cheminement. Aujourd’hui, il aide d’autres personnes issues de la communauté LGBTQ+ à trouver leur place. Son souhait le plus cher: que ces personnes puissent s’exprimer librement, sans peur d’être jugées.
« Même si à ma naissance je portais le nom de Myriam, les Barbies et les robes n’étaient pas dans mes champs d’intérêt dans mon enfance. Je préférais les Lego et les dinosaures. Je jouais autant avec des garçons que des filles. »
Ce mal-être innommable
À l’adolescence, à l’époque où il fréquente le Collège de Lévis, le doute s’installe. « J’ai commencé à sentir un mal-être en dedans de moi. Il faut dire que dans les années 90, le mot trans était très peu utilisé. Je me suis dit que je devais être lesbienne. »
C’est donc à 15 ans, dans la peau de Myriam, qu’il fait son coming out. « Mes parents sont très catholiques, et ils n’ont pas vu ça venir. Au début, ils ont eu peur que je ne sois pas acceptée. Il y avait des non-dits et on n’en a plus reparlé pendant au moins deux ans. »
Le GRIS-Québec, une révélation
La visite des intervenants du GRIS Québec, dans sa classe de 4e secondaire, est une véritable révélation. L’organisme associé à Centraide offre du soutien, de l’accompagnement et un suivi psychosocial aux personnes issues de la diversité.
« Quand j’ai vu qu’un homme gai et une femme lesbienne étaient bien acceptés, ça m’a rassuré. Les élèves de ma classe n’ont pas fait de commentaires dégradants. J’ai constaté que mon milieu était ouvert, ça m’a donné le petit OK pour le dire à mes amis. »
Mais le doute qui l’habite le pousse à faire des expérimentations. « Je me suis dit que je pourrais peut-être essayer de sortir avec un garçon, pour faire plaisir à mes parents. Je suis allée au bal avec mon beau Vincent, en robe. Sur les photos, j’ai tellement l’air malheureux. On est sorti ensemble trois jours! Il ne m’attirait pas du tout, c’était juste un ami. »
Sa première blonde
Son arrivée au cégep marque une nouvelle étape, puisque Mykaell se fait une première blonde. « Ma mère a eu une très belle réaction. Elle en a profité pour s’excuser, elle aurait aimé être dans l’acceptation totale deux ans plus tôt, au moment de mon dévoilement. »
La réaction de son père a été tout aussi positive. « Il m’a dit: ça nous fait un point de plus en commun, moi aussi j’aime les filles! Mon père est mon modèle et sa façon de réagir et de m’accepter ne m’a pas déçu. »
Explorer sa masculinité
Au fil des ans, Mykaell continue d’avoir ce sentiment de porter un masque. Son départ vers Montréal pour entamer des études en enseignement l’amène à explorer ce côté masculin qu’il tente de refouler. C’est à ce moment qu’il se fait couper les cheveux et commence à s’habiller avec des vêtements pour homme.
Même s’il laisse parler sa masculinité et qu’il fréquente une femme, Mykaell a du mal à trouver sa place. « Même si j’étais en couple, mon estime de moi n’était pas là, j’avais beaucoup de questionnement sur mon identité. »
Une rencontre marquante
À 27 ans, Mykaell délaisse l’enseignement pour être intervenant au GRIS Québec. C’est à ce moment qu’il fait une rencontre déterminante avec une personne trans non-binaire de 16 ans.
« Il m’a dit que je n’étais pas obligée de le savoir depuis l’âge de trois ans si j’étais trans. Dans son cas, il l’avait compris seulement à l’adolescence, avec le début de la puberté. Et dire que c’était moi l’intervenant, il m’a donné toute une leçon de vie. »
Il décide de tenter l’expérience. « J’ai mis ma chemise et ma cravate et j’ai demandé à mon amie de me parler au masculin. Quand elle m’a dit que j’étais beau habillé de cette façon, ça m’a fait un tel bien. J’ai pris conscience que lorsque les gens me parlent au féminin, ils ne parlent pas à la bonne personne. »
Changer de genre, étape par étape
À partir de ce jour, Mykaell franchit les étapes une à une pour changer de genre, et ça commence par un changement de nom.
« J’en ai parlé à mes parents et ils m’ont dit qu’ils avaient pensé à Mykaell comme nom de garçon avant ma naissance. Ça leur a fait un petit velours que je prenne en considération un prénom qu’ils aimaient. J’ai couru au Starbuck pour essayer et quand le barista a crié ce nom, je me suis reconnu! Et j’ai décidé de l’écrire avec deux «l». C’est un clin d’oeil à mon ancienne vie. »
Suivront ensuite la prise d’hormones et la mastectomie, une chirurgie pour l’ablation des seins.
Un modèle pour les jeunes
Aujourd’hui, Mykaell est une personne transmasculine accomplie. Son travail comme coordonnateur des services de formation au GRIS Québec lui donne le sentiment de faire une différence. Lorsqu’il prend la parole devant des groupes d’adolescents, certains se reconnaissent dans son parcours.
« Les visites du GRIS-Québec peuvent les aider à se dévoiler. J’ai assisté à des coming out en plein atelier, ça donne de beaux moments. Le fait qu’on soit là leur donne le courage d’en parler ouvertement. »
Sensibiliser les jeunes et les moins jeunes
En plus d’aider les jeunes de 14 à 21 ans, GRIS-Québec offre une foule de services à diverses clientèles. Des groupes de soutien ont été mis sur pied pour accompagner les parents qui ont des questionnements ou des inquiétudes en lien avec l’orientation sexuelle ou l’identité de genre de leur enfant.
L’organisme propose aussi des ateliers de sensibilisation aux aînés. « C’est un de mes plus beaux ateliers, j’en ai fait cinq l’an passé dans des résidences pour aînés. Il y a une religieuse qui est venue me voir et qui m’a dit, si vous êtes heureux, c’est ça le plus important! »
Centraide et le GRIS-Québec
Le soutien de Centraide Québec et Chaudière-Appalaches est précieux pour des organismes comme GRIS-Québec.
C’est grâce au coup de pouce financier de notre organisation que le GRIS-Québec a pu mettre sur pied le milieu jeunesse L’ACCÈS, il y a 18 ans. « Cette ressource, c’est un peu comme une maison des jeunes. Il n’y en aurait pas sans Centraide. »
Fonder une famille
Mykaell nage en plein bonheur ces temps-ci. « J’ai une blonde, elle connaît mon passé et elle a vécu ma chirurgie avec moi. C’est possible d’être trans et d’être en amour. » Ils espèrent devenir une famille d’accueil pour les jeunes qui ont moins de chance.
Quant à sa deuxième famille, le GRIS-Québec, il compte y travailler encore longtemps, puisque les besoins sont grands. Pour accueillir plus de jeunes, l’organisme vient d’emménager dans des locaux plus vastes dans l’église Saint-Roch, à Québec.
Il continuera d’y donner des formations, afin de rendre les milieux plus inclusifs. Il caresse le rêve qu’un jour, la différence ne sera plus montrée du doigt. « Si tu vois passer un homme avec une jupe dans la rue, ce n’est pas grave. Je souhaite que les nouvelles générations se disent, on s’en fout, c’est sa vie, ce n’est pas la mienne. On s’en approche, je crois. »