Changer des vies dans une épicerie
Marie-Anne Déry travaille dans une épicerie depuis 13 ans. Pas n’importe quelle épicerie! L’épicerie communautaire de La Ruche Vanier. L’intervenante de l’organisme soutenu par Centraide fait de petits miracles chaque jour en aidant les familles, les immigrants et les personnes seules à faibles revenus, qui vivent à Vanier, à se nourrir à petits prix. Cette mère monoparentale connaît bien leur réalité, puisqu’elle n’a pas toujours eu la vie facile. Rencontre avec une femme passionnée par son métier qui a à coeur le bien-être des gens autour d’elle.
À l’âge de 12 ans, Marie-Anne décroche son premier emploi à Québec, comme clown. C’est dire comment elle est sociable et elle aime les gens. Très tôt dans la vie, elle a ce désir de se débrouiller par elle-même. Même si elle n’a jamais manqué de rien, sa famille vit avec des moyens modestes. Après avoir terminé ses études secondaires, elle travaille comme commis dans un dépanneur à Vanier. À 19 ans, elle fait le saut à La Ruche Vanier comme réceptionniste. C’est le début d’une belle aventure.
Ses premières journées à La Ruche se font sur les chapeaux de roue, en pleine période d’impôts. C’est qu’en plus de fournir de l’aide alimentaire, l’organisme tient une clinique d’impôts pour les citoyens de Vanier à faibles revenus. Elle adore son nouveau métier qui la tient occupée, dans un quartier qu’elle affectionne. Puis un nouveau poste s’offre à elle, cette fois à l’épicerie communautaire. Avec la fougue qu’elle y met et toutes les bonnes idées qu’elle apporte, elle fait sa marque. «J’aime mon travail, puisque j’aide les personnes qui en ont vraiment besoin. Chacune d’entre elles m’apporte quelque chose.» Après onze ans de loyaux services, elle en devient la responsable en 2017.
Des moments plus difficiles
La vie n’a pas toujours été rose pour cette maman de deux garçons de neuf et dix ans. Elle est devenue mère monoparentale quelques jours après la naissance de son deuxième enfant. «C’était difficile psychologiquement et financièrement. J’ai dû arrêter mon congé de maternité et revenir travailler à la Ruche pour arriver.» Une période plus sombre qui lui permet de mieux comprendre la réalité que vivent les personnes qui fréquentent l’organisme.
Aujourd’hui, à 32 ans, elle file le parfait bonheur avec son nouveau conjoint qui a trois enfants. Le couple a même décidé d’avoir un autre enfant. Le couple a donc six garçons au total . De l’aveu même de Marie-Anne, ça bouge à la maison! Elle trouve tout de même le temps d’être entraîneure au soccer, de siéger sur le conseil d’administration à la garderie de son petit dernier et d’être présente pour ses deux grands qui jouent au hockey.
À l’écoute des utilisateurs
Si son horaire à la maison est planifié au quart de tour, celui à l’épicerie communautaire l’est tout autant. C’est elle qui fait la tournée des supermarchés pour acheter les articles à bas prix qui seront ensuite offerts encore moins chers à l’épicerie communautaire. Moisson Québec, un autre organisme soutenu par Centraide, fournit le reste des denrées, comme les fruits, les légumes et la viande. Ces aliments sont vendus au coût de 1$ pour les membres réguliers, en autant qu’ils effectuent deux heures de bénévolat par mois à l’épicerie de la Ruche.
Marie-Anne s’occupe aussi des dépannages alimentaires d’urgence, de fournir les aliments qui serviront aux cuisines créatives, de l’étiquetage des denrées et des horaires de travail des bénévoles de l’épicerie communautaire. Elle planifie aussi les horaires de cueillette des denrées des utilisateurs. Une façon de faire qui fait en sorte que personne n’est obligé de patienter en file pour profiter des meilleurs arrivages. Une délicate attention qui démontre bien à quel point elle est à l’écoute de son monde.
Des histoires marquantes
Bien sûr, au fil du temps, Marie-Anne en a aidé des gens. Elle se souvient d’enfants qui sont venus cogner chez-elle, alors que les locaux de la Ruche étaient fermés, parce qu’ils n’avaient plus rien à manger chez eux. Ou cette personne qui fréquentait la Ruche qui n’avait pas de toit et qui dormait dans sa voiture. Elle s’est assurée de trouver des solutions pour qu’elle puisse manger ce qu’elle venait chercher à l’épicerie communautaire.
Mais il y a aussi de belles histoires qui finissent bien. Une mère monoparentale de trois enfants de Trois-Rivières a eu besoin de l’aide de la Ruche, alors qu’elle venait étudier le droit à Québec. Aujourd’hui, elle est avocate et elle a un nouveau conjoint. Ils ont eu un quatrième enfant ensemble. Marie-Anne en est l’heureuse marraine. Les deux femmes ont tissé des liens étroits qui ont perduré quand la jeune femme a pu voler de ses propres ailes.
Pour Marie-Anne, accompagner des gens dans leur cheminement et les voir s’en sortir, c’est le plus beau des cadeaux. «On est là pour donner de l’aide alimentaire mais les gens viennent aussi nous voir juste pour prendre un café. On prend le temps de jaser avec eux, on s’attache à eux. Je vois ce que certains font pour s’en sortir, c’est beau de voir leur évolution.»
Sensibiliser ses enfants à la pauvreté
Le grand coeur de Marie-Anne ne se manifeste pas qu’au travail. Elle prend grand soin de sensibiliser ses enfants à la pauvreté, une réalité qui ne touche pas seulement le quartier Vanier. Ses enfants participent à la confection des paniers de Noël qui sont distribués par la Ruche dans le temps des fêtes. Ils viennent aussi faire leur tour à l’épicerie communautaire pour aider à l’étiquetage. C’est sans compter les jouets et vêtements qu’ils offrent à l’organisme.
Ses garçons semblent bien conscients du rôle essentiel que joue leur mère dans la vie des personnes démunies. «Mon grand fréquente l’école Sans-Frontière et il a vu un élève qui n’avait pratiquement rien à manger. Il lui a dit: si tu n’as pas d’argent pour manger, tu peux aller voir ma mère à la Ruche.» Comme quoi la pomme n’est pas tombée loin de l’arbre.
Des rêves plein la tête
Le grand rêve de Marie-Anne, c’est d’être capable d’accueillir les utilisateurs de l’épicerie communautaire dans des locaux plus spacieux. Pour le moment, ses efforts pour accueillir le plus de gens possibles ont atteints leur limite. En deux ans, les membres réguliers de la ressource d’aide sont passés de 45 à 189, ils ont plus que quadruplé.
L’aide financière de Centraide est essentielle. « Sans cette aide, l’épicerie communautaire ne pourrait exister. » Mais les besoins sont grandissants. L’intervenante constate que de plus en plus de jeunes retraités ont de la misère à arriver et fréquentent la Ruche. «Avec plus d’argent, on pourrait aider plus de monde. Je ne peux plus accepter de nouveaux membres avec les budgets que nous avons.» Marie-Anne ne va pas baisser les bras pour autant, c’est bien mal la connaître. Elle compte poursuivre sa carrière à l’épicerie communautaire encore longtemps, au grand bonheur des usagers.