Prendre soin des sinistrés en Beauce
Les dernières semaines n’ont pas été de tout repos pour Luce Lacroix. La directrice générale de la Maison de la famille Nouvelle-Beauce, un organisme soutenu par Centraide, a remué ciel et terre pour obtenir des vêtements, des denrées et des dons en argent pour les sinistrés des inondations. Elle a créé tout un élan de solidarité avec les citoyens et les entreprises de sa région, un élan qui a dépassé les frontières du Québec. Portrait d’une femme dédiée à sa communauté.
Luce Lacroix se souviendra toute sa vie de la fin de semaine de Pâques qu’elle a passé auprès des sinistrés de Sainte-Marie. « Je voyais les gens, ils étaient vulnérables physiquement et mentalement, ils ne débarquaient avec rien. Je me suis dit qu’il fallait faire quelque chose. » Dès le lundi de Pâques, elle ouvre les portes de la Maison de la Famille Nouvelle-Beauce aux sinistrés. Avec l’appui de son équipe d’intervenants, elle sollicite l’aide de la population par le biais des médias sociaux. Son appel est entendu! Quarante-huit heures après son cri du coeur, la maison de trois étages qui abrite son organisme est remplie du sous-sol au grenier. « La réponse a été immédiate, intense et incroyable! J’ai été impressionnée par la quantité de dons acheminés. »
Devant cette abondance, Luce Lacroix doit trouver un nouvel espace pour tout entreposer. Pour celle qui porte aussi le chapeau de conseillère municipale de Sainte-Marie, rien n’est impossible! Après quelques coups de téléphone, le local est trouvé. Avec une armée de bénévoles, le déménagement des vêtements, des denrées non périssables et des produits d’hygiène peut se faire. « Il y avait une trentaine de bénévoles qui comptaient les minutes tellement ils avaient hâte de s’activer. Ç’a été un beau travail d’équipe. Je n’aurais jamais réussi sans eux. »
Soutien moral et réconfort
L’aide apportée n’était pas que matérielle. La directrice de l’organisme communautaire avait aussi le souci de réconforter les sinistrés. « C’était frappant de voir que lorsqu’ils franchissaient notre porte, ils avaient de la réticence et de la gêne à demander de l’aide. Chaque humain est fier. D’où l’importance de bien les accueillir. On a fait des câlins comme on n’en a jamais fait dans notre vie! Quand ils ressortaient, ils me disaient que ça leur avait fait du bien. C’était ça, ma récompense! » Une récompense bien méritée quand on sait que Luce Lacroix était sur le terrain de 5h30 le matin jusqu’à 23 heures le soir. Elle l’avoue d’emblée, le café coulait à flots et l’adrénaline la tenait bien éveillée!
De belles histoires d’entraide
Malgré la catastrophe naturelle, de belles histoires d’entraide sont nées. Luce a en tête un appel d’une compagnie de Toronto pour lui annoncer qu’une cargaison de 200 chaudières de produits nettoyants et de 200 boîtes de produits d’hygiène allait être acheminée par avion. Son organisme a aussi reçu de la belle visite du Centre culturel islamique de Québec et celui de Toronto. Les bienfaiteurs ont empli quatre voitures de denrées non périssables. C’est sans compter les épiceries de la région qui ont fait parvenir 35 000$ en cartes-cadeaux à distribuer aux gens dans le besoin.
Quand on souligne à Luce Lacroix que son rôle de directrice a été essentiel, elle tient à remettre les pendules à l’heure. « Mon équipe et moi, nous faisions partie d’un des maillons de la chaîne, étant donné que les autres organismes étaient inondés. Mais nous n’aurions jamais été capables d’agir seuls, sans l’appui de la population, des bénévoles de notre conseil d’administration et des entreprises de la région. »
Des rires et des pleurs
Les moments intenses vécus au plus fort des inondations ont réellement soudé toute l’équipe d’intervenants de la Maison de la Famille de la Nouvelle-Beauce. Les rires et les pleurs n’étaient jamais bien loin. Les anecdotes sont nombreuses. Luce se souvient des expressions liées à l’eau qu’elle et ses collègues utilisaient sans s’en rendre compte. Une séance d’essayage s’est transformée en fous rires généralisés lorsqu’une des intervenantes a dit à une fillette, qui essayait des pantalons trop courts, « qu’elle avait de l’eau dans la cave! »
Il y a aussi ce moment d’émotion quand une mère de quatre enfants, qui avait déjà fréquenté l’organisme communautaire, a parlé de sa tristesse de ne pas pouvoir fêter le 9e anniversaire de son fils. L’une des intervenantes a tout de suite appelé l’une de ses amies qui a concocté un gâteau in extremis. « Nous sommes tous allés lui livrer son gâteau. C’est un geste qui peut paraître anodin, mais pour cette famille-là qui n’avait plus de toit, ça eut un impact. Nous avions tous les yeux pleins d’eau. »
La force du réseau communautaire
Luce Lacroix ne cherche pas la reconnaissance pour ce qu’elle a accompli. Loin de là. Se soucier de son prochain, c’est dans son ADN. Ce qui la rend fière, c’est d’avoir montré à tous que le milieu communautaire peut soulever des montagnes. « Les gens n’ont pas toujours une belle image du communautaire. Parfois, ils croient que nous offrons des services moins professionnels, alors que ce n’est pas le cas. Nous avons prouvé le contraire. » Des reportages télé et des articles ont même fait échos du merveilleux travail accompli. Mais la plus belle récompense, elle la trouve dans les yeux de son conjoint et ses deux enfants qui sont si fiers d’elle.
Alors que le calme revient peu à peu à Sainte-Marie, Luce et ses collègues ont encore du pain sur la planche. Les gens commencent à revenir dans leur demeure et parfois ils doivent repartir à zéro. Ils ont encore besoin du soutien de la Maison de la Famille Nouvelle-Beauce. Et toute l’aide apportée au fil des dernières semaines a fait connaître certains services qui y sont offerts, comme la cuisine collective et la halte-garderie. La directrice générale prévoit une hausse de l’achalandage.
Vers une politique de crise sociale
Luce Lacroix compte aussi tirer profit de son expérience des dernières semaines pour travailler à la mise en place d’une politique de crise sociale en cas d’inondations majeures. Dès l’automne, elle veut solliciter l’aide des autres partenaires comme la Santé publique, les municipalités et les différents acteurs qui chapeautent les mesures d’urgence. Question de déterminer qui fait quoi et afin de s’assurer que le filet social soit plus grand et les mailles tissées encore plus serrées. « L’important, c’est de se serrer les coudes, de voir l’humain avant la catastrophe. Si on en prend soin, ça va bien aller. » On a envie de la croire sur parole.