Cette semaine, sans que vous ne le sachiez, une résidente de votre rue a mis fin à une relation amoureuse violente, un ami s’est inquiété pour la santé mentale de sa fille, une camarade de classe de votre fils a eu faim 2 jours sur 7, un de vos collègues a eu des idées suicidaires.
Si malgré toute votre bonne volonté, vous n’êtes pas conscients que ces histoires se déroulent tout près de vous, c’est entre autres parce que des organismes communautaires sont là pour accueillir, pour écouter, pour épauler avec respect et dignité ceux et celles qui se présentent chez eux.
Tant mieux, certains membres de notre communauté n’éprouvent pas le besoin de se tourner vers le milieu communautaire pour les appuyer. Ils sont chanceux.
Pour d’autres, les organismes communautaires offrent un filet de sûreté exempt de jugement et d’exclusion. Parce que personne ne peut affirmer avec certitude qu’il ou elle n’aura jamais besoin de l’aide d’un organisme.
Même doté d’un bon réseau, votre ami pourrait se sentir seul devant les enjeux de santé mentale de sa fille. Avec l’aide d’un professionnel du réseau communautaire, il pourrait apprendre à mieux comprendre les difficultés de sa fille afin de l’accompagner vers l’apaisement.
Dans une société où les apparences sont si dominantes, où la vulnérabilité est trop souvent perçue comme un synonyme d’échec, ça prend un courage immense pour demander de l’aide. Heureusement, la main tendue, le sourire, la porte grande ouverte des organismes communautaires existent. L’apport de ce soutien devrait être valorisé et reconnu pour ce qu’il est : une multitude de bouées de sauvetage auxquelles peuvent s’accrocher ceux et celles qui osent aller chercher de l’aide.
Dans un monde sans organismes communautaires, votre voisine victime de violence conjugale n’aurait peut-être pas eu de porte où frapper après avoir eu le courage de quitter son foyer violent. Ainsi, elle ne l’aurait peut-être pas quitté.
Dans un monde sans organismes communautaires, votre collègue serait peut-être passé à l’acte.
Dans ce monde-là, des personnes proches aidantes, des personnes isolées, handicapées, itinérantes visibles ou invisibles, en détresse seraient encore plus laissées à elles-mêmes.
Avec la pandémie, plusieurs se sont retrouvés dans une situation qu’ils n’auraient jamais pu anticiper. Une perte d’emploi, un problème de santé, un isolement accru, et c’est parti. La vrille qui ne devait pas arriver. Que l’on ne souhaite à personne. Que l’on veut éviter à tout prix et prévenir, avant même qu’elle ne commence.
Dans un monde sans organismes communautaires, ces « nouveaux vulnérables » n’auraient peut-être pas de bouée pour traverser la tempête.
Tant et aussi longtemps qu’on ne sera pas dans une société réellement égalitaire et inclusive, les organismes seront essentiels. Et encore, ils le seraient même dans une société idéale, car la détresse demeurera toujours possible à l’échelle d’une vie.
Ce qu’on peut y faire collectivement ?
Constater que ce n’est pas une fatalité. S’assurer que la détresse soit la moins fréquente possible et que les ressources nécessaires existent lorsqu’on en a besoin. Pour ça, il faut reconnaître collectivement le rôle crucial de l’action communautaire au Québec, et lui donner les moyens d’agir encore plus efficacement.
Aujourd’hui, reconnaissons le milieu communautaire pour son travail quotidien en première ligne, un travail trop souvent minimisé.
Aujourd’hui, rappelons-nous que si les organismes communautaires n’existaient pas, il faudrait les inventer.
Isabelle Genest
Présidente-directrice générale
Centraide Québec, Chaudière-Appalaches et Bas-Saint-Laurent