Travailler pour le bien-être familial
Entre la planification d’un nouveau projet et la gestion des horaires de son équipe, Audrey Santerre-Crête a le bonheur de voir des tout-petits s’émerveiller devant un nouveau jeu tandis que leurs parents s’échangent trucs et anecdotes. Le quotidien de la directrice de la Joujouthèque Basse-Ville est loin de se résumer à de la gestion matérielle, humaine et financière.
Bien plus qu’un centre de location de jeux et de jouets, la Joujouthèque est surtout un milieu de vie pour les familles, un lieu où le développement des enfants et le soutien aux parents permettent l’épanouissement de toutes et tous.
« On ne réalise pas tout le temps à quel point on est chanceux au Québec lorsque notre enfant a une place en CPE », remarque la directrice. Pourtant, le soutien au développement qui y est offert est non négligeable. Des prémathématiques à la socialisation en passant par le développement sociocognitif, l’impact du travail fait avec les 0 à 5 ans est large et place les bases de toute une vie.
« Des études démontrent qu’un enfant qui n’a pas développé certains acquis à 3 ans aura des difficultés en mathématique en 3e année et voit ses chances d’obtenir un diplôme secondaire réduire », donne en exemple Mme Santerre-Crête.
Ce lieu de rencontre, qui déménagera de Saint-Sauveur à la bibliothèque Gabrielle-Roy au printemps 2023, permet également aux parents de sortir de l’isolement. « La mère ou le père en congé parental qui se dit “je n’ai pas parlé à un adulte depuis beaucoup trop longtemps” trouvera toujours notre porte ouverte! »
D’ailleurs, à son entrée en poste en 2015, la directrice souhaitait montrer aux parents des quartiers de la Basse-Ville qu’ils étaient toujours les bienvenus. « Si un parent de Limoilou décide de mettre un manteau d’hiver à son terrible two pour venir nous voir, on se doit d’être ouvert. »
Défis familiaux
C’est l’arrivée de sa deuxième fille qui pousse Audrey Santerre-Crête à s’engager dans la mission de la Joujouthèque. « Je travaillais auparavant dans un milieu un peu rough, avec des adultes qui étaient forcés d’être là », raconte-t-elle. Le travail avec les parents de sa communauté, dans un environnement plus positif, l’attire dès le départ.
« Avant d’avoir des enfants moi-même, je ne réalisais pas à quel point en avoir représentait un défi. » Et ce défi est d’autant plus grand lorsque ta langue maternelle n’est pas le français. Mme Santerre-Crête peut le confirmer puisque sur près de 600 familles desservies par la Joujouthèque, 20 % sont allophones.
En plus de travailler avec des pictogrammes pour communiquer avec ces familles, des barrières se dressent parfois au niveau de la culture. « La conception culturelle de l’importance du développement de l’enfant n’est pas la même partout », explique la directrice.
Le travail des huit employées de la Joujouthèque permet cependant de mettre en lumière l’importance des premières années de vie. « Nous sommes souvent les premières adultes à qui les parents font confiance et ils pourront ensuite envisager de confier leur enfant à une éducatrice, sans qu’eux-mêmes soient présents. »
Projets à impact social
La pandémie a eu de nombreux impacts négatifs sur bon nombre d’enfants, comme la socialisation. « Quand tout a réouvert, il y avait des enfants de 9 à 11 mois qui n’avaient jamais vu d’autres enfants! » raconte Audrey Santerre-Crête.
Par contre, elle tient à faire ressortir du positif des derniers mois. En essai en 2020, le projet d’éducation par la nature fait maintenant partie des ateliers permanents de l’organisme. Trois matins par semaine, les intervenantes se rendent sur le bord de la rivière Saint-Charles, dans le secteur Saint-Malo, dans Limoilou ou dans Saint-Roch, à la rencontre des familles.
« Ça nous permet d’être plus près de certaines familles parce que si tu vis dans Saint-Sauveur, c’est facile de se rendre dans nos locaux, mais si tu es sur la 18e dans Limoilou, la ride en poussette est très longue… » Ce type d’activités permet aussi à la Joujouthèque d’être en phase avec son objectif de diminuer la présence des écrans dans la vie des tout-petits.
« On se fait souvent dire : “mon enfant ne peut pas faire ça des ateliers de lecture, il n’est pas capable de rester assis.” Mais après avoir beaucoup couru à l’extérieur, tu es plus disponible pour écouter. »
La fierté face à ce projet se lit sur le visage de cette directrice passionnée. Et l’émotion lui monte aux yeux lorsqu’elles pensent à l’apport concret qu’a la Joujouthèque sur le bonheur des enfants.
Lors de la dernière rentrée, les enfants de l’École des Berges ont eu à dessiner leur plus beau souvenir estival. À travers des images de glissades d’eau et de chalets familiaux, les enseignantes ont trouvé un grand nombre de dessins représentant une bibliothèque roulante : la Bécane, une initiative coordonnée par la Joujouthèque.
Au guidon d’un vélo, des intervenants voyagent d’un parc à l’autre à la rencontre des familles. Séances de lecture, ateliers de danse, d’écriture ou de chant… La Bécane anime la Basse-Ville tout l’été.
« C’est beau de voir que nous créons des souvenirs pour les enfants, mais ça m’attriste aussi de voir qu’ils ont moins de stimulation que d’autres. C’est beaucoup pris pour acquis que tous les droits de l’enfant au Québec sont respectés, mais plusieurs voient leur possibilité de développement bafouée. »
Mme Santerre-Crête sait que les projets de la Joujouthèque ont des impacts positifs sur les familles qui y participent, mais elle ne souhaite pas s’arrêter là. « Le bien-être des familles de la Basse-Ville me tient à cœur, et ce, au-delà de celles qui fréquentent la Joujouthèque. »
Son ouverture aux autres organismes, sa participation à des tables de concertation, son lien avec le CIUSSS et les écoles du coin font d’Audrey Santerre-Crête une ressource inestimable dans le milieu de la petite enfance à Québec.