Plus de 400 acteurs et actrices provenant des milieux communautaires, gouvernementaux et institutionnels se sont réuni·e·s dans le cadre du premier Sommet municipal sur l’itinérance le 15 septembre dernier. Isabelle Genest, PDG de Centraide, a pris la parole lors du panel « Prévenir l’itinérance : constats et perspectives ».
« Être en itinérance visible, c’est la forme la plus extrême de pauvreté », affirme avec conviction Isabelle Genest.
C’est pourquoi elle croit que la prévention de l’itinérance passe inéluctablement par un travail parallèle sur les causes de la pauvreté. « La lutte à la pauvreté, ça existe. Il y a des solutions. »
La présidente-directrice générale rappelle d’ailleurs que l’augmentation du revenu des 40 % des personnes les plus vulnérables de nos communautés fait partie des recommandations des Centraide du Québec dans leur dernier mémoire, Le meilleur plan de lutte à la pauvreté reste à écrire.
« Il faut se préoccuper du sort des gens les plus pauvres dans nos politiques avant celui des gens les plus riches », déclare Isabelle Genest, s’appuyant notamment sur les propos du journaliste Gérald Fillion.
La PDG a aussi reçu une chaleureuse ovation en soulignant « le travail immense des organismes communautaires qui doit être reconnu au même titre que celui des systèmes d’éducation, de santé, de justice. » Le système communautaire a un important rôle à jouer face à la lutte contre l’itinérance, et il mérite d’être soutenu par les gouvernements selon elle.
Innover, sans recommencer à 0
Si le nombre de personnes en situation d’itinérance visible a augmenté de 36 % depuis 2018 dans la Capitale-Nationale, et de 16 % en Chaudière-Appalaches selon le dernier dénombrement, Isabelle Genest soutient qu’il faut éviter de penser que le travail fait sur le terrain actuellement n’est pas satisfaisant.
La centralisation n’est pas la réponse à un problème aussi grave et complexe que l’itinérance, défend-elle. « Il faut dire plusieurs fois à une personne qui est dans la rue, qui n’a plus d’estime d’elle-même, qui a honte d’être là : “tu as de la valeur, tu vaux la peine”. Et ça, ça se fait avec de la proximité. »
Claude Foster, PDG de la Société d’habitation du Québec, est du même avis. « On ne peut pas arriver avec une solution mur à mur. »
Selon lui, toute solution qui semble répondre uniquement à une problématique locale est fort probablement adaptable dans un autre milieu. « On est capable de faire autrement, tout en répandant les bonnes idées qui fonctionnent. »
D’ailleurs, Ramana Zanfongnon, cheffe de division au Service de la diversité et de l’inclusion sociale de la Ville de Montréal, a profité du panel pour présenter l’initiative ÉMMIS.
« L’accentuation de l’itinérance met une pression dans la demande de services aux municipalités, notamment aux services policiers. Comment répond-on à ces situations qui incluent des personnes très fragiles, très vulnérables, mais aussi des commerçants, des bibliothécaires, du personnel d’aréna qui sont confrontés à cette vulnérabilité? »
À Montréal, la réponse à cette question passe par la mise en place de l’équipe mobile de médiation et d’intervention sociale (ÉMMIS) qui déploie des intervenant·e·s psychosociaux·ales pour offrir une alternative à l’approche policière.
Ramana Zanfongnon est convaincue que ce projet d’envergure est reproductible et adaptable dans plusieurs municipalités. À Québec, le SPVQ travaille par exemple en collaboration avec Pech, organisme associé à Centraide, pour répondre notamment au besoin d’accompagnement des personnes en crise psychosociale.
Isabelle Genest souligne aussi l’importance de l’adaptation des services dans les milieux éloignés, ruraux ou périurbains. « Les migrations des personnes en situation d’itinérance vers des villes où l’on trouve des services existent. Si l’aide était disponible chez eux, on éviterait des déracinements qui peuvent les fragiliser. »
Les droits fondamentaux
Questionné à savoir les rôles et responsabilités de chacun dans la lutte contre l’itinérance par l’animatrice de la journée, la journaliste Isabelle Craig, Dr Eric Latimer a fait une analogie avec le droit à la santé.
« On s’est mis d’accord en tant que société que même si une personne fume, ne fait pas d’exercice, mange de la poutine tous les soirs, si elle tombe malade, on va s’occuper d’elle. Et on a décidé de le faire indépendamment des coûts. »
Il est donc d’avis qu’il est temps de décider collectivement que le logement est aussi un droit, et que le gouvernement a la responsabilité de contribuer à la construction de ce consensus social.
« Parce qu’il y a une partie de la population qui croit que les personnes en situation d’itinérance ne subissent que les conséquences de leur propre choix et cela mine leur soutien à la mise en place de mesures coûteuses, mais nécessaires. »
Le Sommet municipal sur l’itinérance, fort en recommandations et en grandes idées, aura permis un pas de plus dans ce grand consensus.
« Aujourd’hui, ce qui est ressorti de tous les panels, ce qui m’a fait du bien comme citoyenne d’entendre de d’autres, c’est que les personnes en situation d’itinérance ne sont pas le problème, elles sont victimes. »
Et Centraide croit fermement que par le don solidaire, nous pouvons tous et toutes participer à prévenir et à agir sur les causes multiples et diversifiées qui mènent à l’itinérance. Un don solidaire qui renforce le tissu social pour ne laisser personne derrière.